ma deuxième nav solo
Publié : 04 avr. 2014, 23:20
Petit flashback de 9 ans en arrière, c'était ma 2ème nav en solo.
Je totalisais à l'époque une riche expérience de 22h30 de vol (3h30 de vol en solo et 19h00 en instruction).
L'objectif était un aller-retour "AIX - GAP".
DEBRIEF NAV GAP - 19/08/2005
06H30
Ce matin, réveil plutôt difficile. Pourtant pas couché tard, minuit à peine…Ca change tout de même de l’insomnie de la dernière fois. Pareil, une bonne douche, rasage de près et lotion vivifiante, ça réveille ! Un café par-dessus tout ça, et prêt au combat. Le point météo sur internet, temps magnifique et vent calme. Quelle belle région…quand il ne vente pas. Le sac est prêt depuis la veille, le log bien plié, bien propre, il ne le restera pas longtemps. Allez, on revérifie qu’il ne manque rien, et c’est parti. Il est 7h05, ma femme, sourire complice et rassurant avec son « ad’t’aleur » est partie finir sa semaine de boulot, moi c’est mon dernier jour de congés. Faut en profiter, après je serai limité aux week-ends.
07H45
L’aéroclub désert, normal à cette heure, le rideau métallique, le code, et direction le hangar. Sensation de liberté, d’autonomie, à force je m’y sens un peu comme chez moi. Mince, faudra d’abord sortir le cap10. Surtout celui-là, il est chiant à manœuvrer sans roulette de nez donc sans tringle. Tant pis j’aviserai, si le mécano d’à côté arrive, je lui demanderai de m’filer un coup d’main. En attendant, il faut ouvrir les portes. Petite suée, pas grave, ça fait du bien et tout se mérite.
Bon, toujours personne à l'aéroclub, j’vais quand même pas perdre bêtement ce temps gagné de m'être levé si tôt. Voyons comment ça fait en tirant par l’hélice, finalement il vient bien, faut juste faire quelques allers-retours pour l’orienter par les ailes.
Au tour du « FoxUniform », en comparaison il paraît tout léger. Le plein a été fait - merci au précédent pilote. La prévol OK, tout est bon, déjà 8h20, j’entends quelques moteurs sur le parking. Allez j’appelle mon instructeur (qui n'a pas pu venir) pour le prévenir que je m'apprête à prendre l'air, et je file vite avant les embouteillages du point d’arrêt. Dernières consignes, passer bien à l’ouest de St Auban, et pour Gap, bien réduire en base, c’est noté.
08H35
Horametre OK. Mise en route moteur, alternateur sur M, j’pourrai plus jamais l’oublier celui-là. Radio, ATIS, vérif à nouveau de tous les cadrans, de chaque bouton, j’en explique l’utilité et le fonctionnement à mon passager invisible. De toute façon, si j’ai mon PPL un jour, je me retrouverai forcément dans cette situation avec un passager qui n’y connaît rien aux avions, inquiet comme je l’ai été moi-même la toute première fois. Donc ça m’entraîne, ça fera le mec qui maîtrise, ça l’apaisera, et qui sait, pour peut-être aussi refiler le virus. Moi ma toute première fois, c'était avec Spad...il m'a transmis le virus et si j'en suis là c'est à cause de lui tout ça !
Autorisation du roulage, point d’arrêt, essais moteurs, actions vitales, actions vitales à nouveau (là je psychote). J’attends un appareil en finale pour un toucher, je m’enquille derrière lui, plein gaz, la phrase à voix haute qui va bien, rotation, je regarde la montre 8h44. C’est fou le temps qu’on peut perdre avant un décollage.
800 pieds, pompe coupée, volet rentré…petit tour rapide sur les paramètres, 140, N au cap, 3 au vario, bille centrée, alternateur sur M (il m’obsède, lui), plein riche, toujours plein gaz, d’ailleurs je m’agrippe toujours au rebord gauche, le pouce en appui sur cette manette des gaz, des fois qu’elle revienne d’elle-même du fait de la pente de montée. Bref, toujours crispé dans cette phase.
08H47
« ’FoxFoxUniform’ à ‘AlphaNovembre’ pour quitter, à tout à l’heure ». J’aime bien la phraséo, surtout quand ça vient tout seul, qu’on a plus besoin de réfléchir à ce qu’on va dire. Le log, le TRAC (Top chrono, Recalage, Altitude, Carburant), je serai à Manosque dans 14 mn. Je n’ai pas prévu de report avant Manosque ! Je commence à connaître le paysage par cœur, Pertuis sera dans 5mn avec sa boucle d’autoroute, y a vraiment pas de danger que je m’égare. En me disant ça, petite alarme dans ma tête, attention à la facilité, à la fainéantise, à l’excès de confiance. Du coup je reprends mon rapporteur, je serai prêt à mesurer le nombre de graduations vertes au moment où mon passager virtuel me demandera « Où on est, là ? ».
Bon, j’ai pas grand-chose à faire, sinon surveiller mes paramètres, allez, je prépare mes fréquences St Auban et Sisteron sur la radio du haut. Sur la Becker, j’ai voulu mettre Marseille info, à défaut de France info, répondeur automatique, le mec n’a pas commencé sa journée, je réessaierai plus tard, donc en attendant 123.5. Je m’annonce dans le vide, personne n’en a rien à foutre où je suis, puis d’ailleurs y a pas foule.
09H01
Je suis pile où je voulais, c’est beau la précision. Je suis passé entre Manosque et son petit bled au sud (Ste Tulle) en respect des lève-tard, après tout y’en a qui sont encore en vacances. Tant pis pour les baraques isolées, je ne peux pas toutes les éviter. Puis 2500 pieds, c’est raisonnable. Allez, on reset le chrono, on diminue un peu le cap, je regarde mon log : niveau 55 (impair + 5), allez on monte, assiette, régime plein gaz, compensateur pour 150. J’ai bien noté le QNH, 1016, je passe maintenant à 1013. Je vois au loin le Sommet de Lure, je m’en approcherai autant que je pourrai comme me l’a conseillé mon instructeur, pour éviter St Auban.
La Nav est assez tranquille, j’ai passé la ligne Forcalquier-Oraison (y’a un très bon chocolatier là-bas). Je suis bientôt en palier au FL55.
Et non, je n’oublie pas la richesse, mais j’y vais vraiment timidement. L’index bien en butée sur le tableau, je le déplie très…, mais alors très lentement, guettant la variation du régime moteur, ça me prend bien 20 secondes. Hop ça y’est, le bruit du moteur a changé, je repousse d’1 cm (et si c’est 1 cm et demi, c’est pas grave, hein ?).
St Auban est dans quelques minutes, changement de fréquence, personne. Je vérifie de nouveau la fréquence. Non vraiment personne. Je m’annonce en transit par l’ouest, direction Gap au FL 55. Je serre bien à gauche.
09h11
TRAC de nouveau pour bien faire, mais pas vraiment nécessaire, là c’est vraiment du vol à vue. J’avais prévu 10 mn depuis Manosque. Ca correspond parfaitement au log malgré la montée. Faut dire que de si haut, le « travers St Auban » est difficile à évaluer. On a l’impression d’y être pendant plusieurs minutes. J’attends de visualiser St Auban dans mes 4 heures pour m’annoncer en sortie de zone. Entre temps, j’ai commencé ma descente pour être à Sisteron au FL 45. Pendant la descente, une question m’assaille : je fais quoi de ma richesse ? Je veux atteindre le FL45, donc toujours au dessus des 3000’ QNH donc normalement pas de souci. Cependant, j’ai un doute. Allez, je remets plein riche par défaut et aussi pour ne pas l’oublier tout à l’heure, mais faudra que je pose quand même la question à mon instructeur. Le survol de Sisteron (la ville), regret, on ne distingue pas très bien la citadelle. En parlant de Sisteron, hop, changement de fréquence, et on s’annonce, ça devient de la routine. Pas grand monde non plus. Pareil, je passerai à l’ouest. Je me cale sur le relief à gauche. Je regarde la carte, c’est la montagne de Chabre.
09h19
J’estime le ‘travers Sisteron’, et je continue à descendre pour 4000’ QNH, donc au 1016. Je prépare la fréquence de l’ATIS, je ne suis plus très loin de Gap. C’est presque trop facile, je n’ai qu’à suivre la rivière, ça m’y mènera tout droit.
Tiens, c’est curieux, je ne reconnais pas le défilé qui symbolise le report Sierra. J’essaie d’identifier ce relief à ce que j’ai déjà pu voir lors des précédentes nav. Non, ça ne ressemble vraiment à rien de ce que je connais. Tour d’horizon, ha, ça y’est c’est dans mes 2 heures. Je me dis en moi-même "là Christophe, tu déconnes. Si t’avais fait correctement ton TRAC, t’aurais bien vu que ce n’est pas ton cap. Tu t’es contenté de suivre la rivière, avec bien sûr le mauvais embranchement depuis la ville Sisteron. D’ailleurs, le cap, avoue-le, tu ne t’en es jamais vraiment préoccupé, certain de savoir où t’allais. Allez, ressaisis-toi et fais ta nav correctement, t’es pas en croisière ! Tu as passé Sisteron, tu dois annoncer ta sortie de zone, écouter l’ATIS de Gap, rectifier ta trajectoire vers le report Sierra, compenser ton palier à 4000 pieds, et contacter l’AFIS. Allez grouille-toi, il te reste juste assez de temps pour ne plus en perdre…"
Oui des fois j'me parle à moi-même, façon de me botter l'cul pour garder le control en situation de stress.
L’ATIS m’indique que tout est en auto information sur 119.1. OK, je m’annonce en approche de Sierra pour une intégration. L’AFIS me répond (tiens bizarre, j’croyais que c’était en auto-info), il me donne la 21 en service, le QNH à 1018, attention, lâcher de para en cours. OK, merci, je rappelle à S1. Je me dis en moi-même, et qu’est ce que je fais avec le lâcher de paras ? mon avion, il avance, je ne peux pas bloquer le frein à main et attendre. Bon, normalement, je ferai ma vent-arrière à l’est, et eux ils seront à l’ouest. Pas tranquille quand même.
- FoxFoxUniform à Sierra Unité pour intégration vent-arrière de la 21.
Pas de réponse, je continue. Je regarde à nouveau mon petit dessin, le circuit se fait à 2700’. En continuant à descendre, je vérifie quand même que je suis bien en plein riche. Milieu de vent-arrière, je m’annonce, je ‘Fais Ton Métier Pour Vivre Entier, Heureux‘ (c’est ma phrase mémo d’actions vitales en vent arrière), compensé à 130. Le trajet est facile à suivre grâce au relief, la distance de l’aile gauche par rapport à la piste est bonne. Je dois penser à bien tout réduire quand je serai en base car ce n’est pas la finale 33 d’Aix. Et là Fox-MachinTruc s’annonce pour une intégration en base de la 21. Immédiatement, je m’annonce à mon tour en fin de vent-arrière de la 21, il me répond qu’il procède à un 380 de retardement. « OK, merci de FoxFoxUniform », tout en me disant en moi-même, c’est quoi un 380, il a dû vouloir dire un 360. Bon j’ai la piste dans mes 8 heures, maintenant il faut virer à gauche, tout réduire, j’ai l’impression que je vais m’encastrer la montagne, et qu’à tous les coups, c’est elle qui va gagner. Et non, finalement ça passe bien. Même très bien. Tout réduit, plein volet, je remets 1500 tours, et le plan de descente est nickel. Le seuil décalé approche, toujours 110 à l’anémomètre, pas un poil de vent, je vais caresser la piste, je réduis tout, l’arrondi et hop je touche tout en délicatesse, ma femme en serait jalouse…Avec tout ça, pas vu un seul para. Sortie taxiway.
« Gap de FoxFoxUniform, piste dégagée », et Fox-MachinTruc s’annonce en finale de la 21. Direction le parking de la dernière fois, ha non tiens, y’a d’la place en face du resto, tant mieux, je pourrai rejoindre directement le début de la 21 sans avoir à la remonter, tout à l’heure. La place de parking qui m’attendait, un quart de tour à gauche, et on coupe tout (tiens Fox-MachinTruc arrive, c’est pas possible, il a dû sortir à la première bretelle ! On note l’horamètre (tiens, ça fait pile 1 heure), on vérifie que tout est bien éteint, radios, transpondeur, alternateur, batterie, pompe, la clé des magnétos en main, et on enlève le casque. Heureusement j’ai la tringle derrière le siège pour manœuvrer l’appareil…
Sortie du cockpit, quelques filles en terrasse du resto, une sensation de fierté…et oui (je ne ferai pas lire ce débrief à ma femme avant quelque temps). Le petit portillon, hall d’accueil, première à droite, le gars au guichet, la série de questions commence,…nom du pilote ? Re- sensation de fierté…coup de tampon qui bouffe 3 lignes sur le carnet de vol. Un petit détour aux latrines, et c’est reparti, pas le temps de faire rêver les filles à l’étage, elles devront se contenter de Tom Cruise en 16/9ème.
??h ??
Je remonte poser les affaires sur le siège, redescends faire la prévol (mine de rien c’est physique l’avion), tout est OK, huile 5 et demi sur 6 OK elle n’a pas bougé, de toute façon j’en ai pas sur moi. Tiens ça c’est à noter, emporter un petit litre de réserve la prochaine fois au cas où. Je remonte à bord, petite levée de tête, les filles sont toujours là. C’est moi qu’elles regardent comme ça ?
10h00
Ca, c’est un compte rond. On switche tous les boutons, un coup de va et vient des gaz, un coup de démarreur et….rien. Nouveau coup de démarreur et…rien ! Aïe, là c’est sérieux, si le moteur refuse de démarrer, ch’uis dans la merde. On se calme, on explore chaque switch, chaque tirette, c’est bien plein riche, batterie OK, pompe OK, 2 coups de va et vient des gaz, les magnétos... et merde…, suffit pas de mettre la clé, faut aussi la tourner, ça marche mieux ! Bon sang, j’vais en faire une comme ça à chaque nav ? Deux choses sont sûres, la coupure magnéto fonctionne bien et les filles ne pourront pas me reconnaître derrière mes lunettes. Avec tout ça il est 10h01 (tiens, un palindrome). Oups, surtout je n’oublie pas l’alternateur…
Je m’annonce au parking pour le roulage de la 21, et l’AFIS me répond :
- « FoxFoxUniform à votre convenance pour le roulage, bretelle médiane pour la 21 ». Keskim’dit lui ? j’ai pas l’intention de prendre la médiane pour après devoir remonter la piste, je peux directement prendre à droite pour la bretelle qui mène en début de 21, d’après la carte VAC il y a un accès. Je réponds alors avec courtoisie :
- De FoxFoxUniform, pouvez répéter ?.
- FoxFoxUniform, vous prenez à gauche puis encore à gauche pour accéder à la piste.
J’ai comme l’impression qu’en disant ça, il se fiche de moi.
- De FoxFoxUniform, je prends la médiane mais je devrai remonter la piste.
- FoxFoxUniform vous remonterez la piste à votre convenance
- FoxFoxUniform ». Là il commence à m’énerver avec ses ‘convenances’. Car oui, en fait j’ai oublié de poser la question à mon instructeur s’il valait mieux remonter la piste ou pas à Gap. Dans le doute, j’ai décidé que oui, car il commence à faire chaud et que mon instructeur a dit un jour : « deux choses dont on se fout complètement en aviation, c’est la longueur de piste derrière soi, et la hauteur de ciel au dessus de sa tête». Et comme Gap, ce n’est pas Aix, je ne prend pas de risque, je remonte la piste, point final.
Point d’arrêt, essais moteurs, actions vitales, personne en finale, je m’annonce pour remonter la 21. Demi-tour, je m’aligne
- « Gap, de FoxFoxUniform, je décolle de la 21 », la phrase qui va bien, les tours sont bons, j’ai quand même bien fait de la remonter cette piste, pas beaucoup de marge. Je regarde la montre, 10h09, je me répète, c’est fou le temps qu’on peut perdre au décollage. Y’a l’air d’avoir un sacré embouteillage de voitures en bas, les pauvres…
Direction S1, droit devant, ce sera dur d’atteindre les 3300’ à S1, tant mieux si jamais quelqu’un vient en face, on ne sera pas à la même altitude. Pareil pour 4000’ à Sierra, ce sera dur même en montée à 140 km/h.
- Gap, de FoxFoxUniform, à Sierra pour quitter, au-revoir.
- Pouvez quitter foxFoxUniform » me dit le type aux convenances. Deux coups d’alternat.
10h17
Je suis au travers ouest de Sisteron à 4500’, je me suis annoncé, toujours personne sur la fréquence, je fais mon TRAC correctement, cette fois-ci j’ai décidé de faire la nav réglo, pas comme à l’aller. Je ne modifie pas la richesse, je dois redescendre à 3500’ pour St-Auban. Sortie de zone de Sisteron dans le vide. J’ai quelques minutes devant moi avant St-Auban, je prépare la fréquence, je visualise ma trajectoire bien à droite en tenant compte de mon cap. Pas grand-chose à faire sinon vérifier encore et toujours les paramètres, peaufiner au compensateur, le rapporteur sur la carte pour compter la distance en minutes depuis Sisteron et vérif au chrono. Allez, c’est pas que je m’ennuie mais je vais commencer à prévenir St-Auban de mon transit. Tiens y’a quelqu’un sur la fréquence, je le laisse s’exprimer, il a du mal à finir ses phrases. D’après ses intonations il n’a pas l’air tout jeune et pourtant ses « ...heu…je heu…je décolle face au nord » me laissent perplexe. Je m’annonce en provenance de Gap en transit par l’ouest des installations dans 3 minutes à 3500 pieds, direction sud. Plus rien sur la fréquence, seul le bruit du moteur (néanmoins réconfortant) me tient compagnie.
10h23 et 30 secondes
Travers St-Auban, toujours rien sur la fréquence, vérification que c’est la bonne on ne sait jamais, plus de nouvelle de celui qui s’annonçait tout à l’heure au décollage. Je continue, et me prépare à annoncer ma sortie de zone, direction sud. Coup d’œil rapide sur mon log, Manosque sera dans 10 mn, descente progressive à 3000’. Mon cap prévu était de 215° mais comme je passe un peu plus à l’ouest de ce que j’avais prévu, je corrige en me disant qu’un 210° fera très bien l’affaire. TRAC à nouveau, tout est OK, je n’aurais pas cru mais je frise l’ennui. Tout me paraît trop simple, calme, les paramètres sont corrects, je n’ai d’ailleurs que ça à faire de les vérifier. Au fond de moi-même j’ai quand même un peu hâte de rentrer. D’accord le paysage est magnifique, la météo clémente mais bon, je ne peux m’empêcher d’imaginer le pire lorsque justement tout va bien. Et si le moteur s’arrêtait…
Ca y’est, je sais quoi faire : un p’tit coup de 120.55, voir si Marseille info est réveillé. On quitte proprement St Auban et hop, 120.55.
- « Marseille Info de FoxBravoRoméoFoxUniform, bonjour », Ah y’a quelqu’un qui répond…
- « Bonjour Monsieur, De FoxFoxUniform, provenance Gap, destination Aix les Milles, entre St Auban et Manosque, Manosque dans 8 minutes, 3000’ QNH, transpondeur 7000, 1 personne à bord.
- FoxFoxUniform, quel est le type d’appareil ?
- Pardon de FoxFoxUniform, c’est un DR315.
- FoxFoxUniform, mettez transpondeur, Soixante-dix zéro deux
- Je mets transpondeur sept zéro zéro deux, FoxFoxUniform »
Et à nouveau le silence, mais au moins on sait où je suis.
Les minutes s’égrainent, ronronnement monotone du moteur, c’est long quand on n’a personne à qui parler. Et là, comme si une puissance divine lisait mes pensées :
- « FoxFoxUniform, de MarseilleInfo, j’ai un appareil qui ne s’est pas identifié sur votre gauche, à 2 nautiques, cap au 240.
- FoxFoxUniform ». Vite fait, au lieu de regarder sur ma gauche, je regarde mon conservateur de cap, je suis au 205, je regarde où mène le 240 et je remonte virtuellement (visuellement) cette trajectoire. Rien.
- « De FoxofoxUniform, j’arrive à Manosque dans 1 minute, 3000 pieds, pas de visuel sur l’appareil.
- FoxFoxUniform, l’appareil est maintenant dans vos 9 heures, à moins d’1 nautique ». Je tourne immédiatement la tête, et effectivement, il est bien dans mes 9 heures, nous sommes à la même altitude, trajectoire convergente. Bon sang, comment ai-je fait pour ne pas le voir. Je suis à sa droite, et normalement il doit me laisser la priorité, enfin, à condition qu’il m’ait vu, et comme il n’est pas sur la fréquence…Si ça s’trouve, je vais devoir faire la route avec lui jusqu’à Aix. Je me souviens qu’un jour mon instructeur a dit « il vaut mieux céder le passage que d’être mort dans son bon droit » ou quelque chose comme ça…
- « De FoxFoxUniform, visuel sur l’appareil dans mes 9 heures, même altitude, trajectoire convergente, je descends à 2500 pieds, je suis pratiquement à Manosque, je prends un cap 230 ». Tout en disant ça, je ne quitte pas l’appareil des yeux. Tiens, il semble descendre lui aussi, et virer à gauche. Ah, ça y’est j’ai compris, il va se poser à Vinon. Ouf !
10h34
Avec tout ça, je n’ai pas fait mon TRAC dans les règles, j’estime être passé à Manosque à 10h33, je reprends mon chrono, je devrais être à AN à 10h48, soit dans 13 mn. L’altitude est bonne, le carburant OK, le cap OK. Quand je serai à 5 mn avant AN, c'est-à-dire à Pertuis, je commencerai l’écoute de l’ATIS d’Aix. Normalement, j’y serai à 43. Suivons la trajectoire au trait sur la carte, et surtout ouvrons bien les yeux.
- De FoxFoxUniform, je quitte la fréquence pour prévenir Vinon que je transite à l’ouest de leurs installations, je reviens dans 3 minutes
- FoxFoxUniform, vous revenez sur la fréquence dans 3 minutes
- FoxFoxUniform.
Je switche sur Vinon, effectivement y a du monde. J’annonce mon transit 2500 pieds à 5 km à l’ouest, direction Aix les Milles. On laisse s’écouler 2 bonnes minutes, Vinon s’éloigne, « Vinon, de FoxFoxUniform, je quitte la zone direction sud-ouest ».
- MarseilleInfo, de FoxFoxUniform, de retour sur la fréquence.
- FoxFoxUniform, reçu sur la fréquence »
10h43
Super, la fameuse boucle d’autoroute au sud de Pertuis, la Durance, tout y est.
- « De FoxFoxUniform, au sud de Pertuis, je quitte la fréquence pour passer avec Aix, au revoir.
- FoxFoxUniform, quittez la fréquence, au revoir
- Au revoir et encore merci. » Je me dis finalement que c’est vraiment bien de pouvoir bénéficier d’un service d’info et d’alerte comme ça. Ce serait dommage de s’en passer. Reste à savoir si l’autre, ça l’emmerde ou pas, car je lui donne effectivement un peu plus de boulot… Décidément, faudra que je trouve le moyen d’aller visiter une tour de contrôle, voir comment ça se passe à l’autre bout de la radio.
L’Atis annonce la 33 en service, le QNH et info Charlie. J’ai tout ce qu’il me faut, on bascule sur 118.75. Un peu de monde, « Aix de FoxFoxUniform Rebonjour », prise de contact, je m’annonce AN dans 3 minutes pour une intégration avec info Charlie, je devrai faire gaffe, un appareil sera bientôt en sortie à AN.
10h48
AN, pas vu l’appareil en sortie, je m’annonce, je mets le cap au 150 pour trouver le centre commercial. En milieu de vent-arrière, actions vitales, ça bouge un peu, le vent s’est levé, petite difficulté à compenser à 130.
« FoxFoxUniform en vent-arrière pour un complet ». etc…« FoxfoxUniform numéro 2 »…
Le repère de la prison, cap 240, réduit à 1500, plein volets, la piste, la vitesse, la piste, la vitesse, la piste…300 tours de plus.
« FoxFoxUniform en finale ». Il m’annonce un vent calme, bizarre, ça bouge pourtant pas mal, ça doit être du thermique. Allez, celui-là on se le fait en beauté, bien sur le 33, on réduit tout, 110, centré, le sol est tout près, l’arrondi en douceur, et zut, il ne descend plus, je dois être à 30 cm du sol, je redonne la main et arrondi à nouveau, ça y’est les roues ont touché, un baiser, mais encore trop long, pas terrible la précision… Piste dégagée, au parking pour quitter, et on éteint tout. Horamètre, ça fait 57 minutes.
Le plein, puis les pages d’écritures, tableau d’essence, carnet de route, carnet de vol, carnet de l’aéroclub, chèque, livret de progression, ça me fait maintenant 5 heures et demi en solo, et 19 en double commande. Déjà plus de la moitié, il ne reste que 20 bonnes heures…aïe, ça va venir vite et je n’ai pas l’impression d’en être déjà à ce stade de l’apprentissage. A mon avis, 45 heures, ca va faire trop juste.*
Passons maintenant à la phase hara-kiri :
1/ Trop sûr de moi au point d’ignorer mon log et ma tenue de cap après Sisteron, comme quoi, même si on a l’impression de bien connaître les lieux et de savoir où on va "par cheminement", il est très facile et rapide de se perdre. Dorénavant, log, chrono et carte dans toute situation.
2/ Vouloir démarrer un moteur sans tourner la clé des magnétos…no comment. Là je postule pour le titre de Bourricot.**
3/ Oubli d'indiquer le type d'appareil lors d'une prise de contact. Bon d’accord, c’est pas méchant, mais ça prouve que les réflexes ne sont pas encore là.
4/ Le danger ne vient pas forcément de face, penser aussi à regarder sur les côtés, surtout aux abords des aérodromes, pour éviter de se faire surprendre avec un avion dans ses 9 heures.
Christophe, le 19 août 2005
* 4 mois plus tard, j'ai effectivement eu mon PPL en 45 heures tout pile, mais j'étais loin d'imaginer cette possibilité au moment où j'ai rédigé ce débrief.
** le titre Bourricot était à l'époque un clin d'œil au forum GliGli (pour ceux qui connaissent), mais à la 51th on appelle ça "Boulet".
Je totalisais à l'époque une riche expérience de 22h30 de vol (3h30 de vol en solo et 19h00 en instruction).
L'objectif était un aller-retour "AIX - GAP".
DEBRIEF NAV GAP - 19/08/2005
06H30
Ce matin, réveil plutôt difficile. Pourtant pas couché tard, minuit à peine…Ca change tout de même de l’insomnie de la dernière fois. Pareil, une bonne douche, rasage de près et lotion vivifiante, ça réveille ! Un café par-dessus tout ça, et prêt au combat. Le point météo sur internet, temps magnifique et vent calme. Quelle belle région…quand il ne vente pas. Le sac est prêt depuis la veille, le log bien plié, bien propre, il ne le restera pas longtemps. Allez, on revérifie qu’il ne manque rien, et c’est parti. Il est 7h05, ma femme, sourire complice et rassurant avec son « ad’t’aleur » est partie finir sa semaine de boulot, moi c’est mon dernier jour de congés. Faut en profiter, après je serai limité aux week-ends.
07H45
L’aéroclub désert, normal à cette heure, le rideau métallique, le code, et direction le hangar. Sensation de liberté, d’autonomie, à force je m’y sens un peu comme chez moi. Mince, faudra d’abord sortir le cap10. Surtout celui-là, il est chiant à manœuvrer sans roulette de nez donc sans tringle. Tant pis j’aviserai, si le mécano d’à côté arrive, je lui demanderai de m’filer un coup d’main. En attendant, il faut ouvrir les portes. Petite suée, pas grave, ça fait du bien et tout se mérite.
Bon, toujours personne à l'aéroclub, j’vais quand même pas perdre bêtement ce temps gagné de m'être levé si tôt. Voyons comment ça fait en tirant par l’hélice, finalement il vient bien, faut juste faire quelques allers-retours pour l’orienter par les ailes.
Au tour du « FoxUniform », en comparaison il paraît tout léger. Le plein a été fait - merci au précédent pilote. La prévol OK, tout est bon, déjà 8h20, j’entends quelques moteurs sur le parking. Allez j’appelle mon instructeur (qui n'a pas pu venir) pour le prévenir que je m'apprête à prendre l'air, et je file vite avant les embouteillages du point d’arrêt. Dernières consignes, passer bien à l’ouest de St Auban, et pour Gap, bien réduire en base, c’est noté.
08H35
Horametre OK. Mise en route moteur, alternateur sur M, j’pourrai plus jamais l’oublier celui-là. Radio, ATIS, vérif à nouveau de tous les cadrans, de chaque bouton, j’en explique l’utilité et le fonctionnement à mon passager invisible. De toute façon, si j’ai mon PPL un jour, je me retrouverai forcément dans cette situation avec un passager qui n’y connaît rien aux avions, inquiet comme je l’ai été moi-même la toute première fois. Donc ça m’entraîne, ça fera le mec qui maîtrise, ça l’apaisera, et qui sait, pour peut-être aussi refiler le virus. Moi ma toute première fois, c'était avec Spad...il m'a transmis le virus et si j'en suis là c'est à cause de lui tout ça !
Autorisation du roulage, point d’arrêt, essais moteurs, actions vitales, actions vitales à nouveau (là je psychote). J’attends un appareil en finale pour un toucher, je m’enquille derrière lui, plein gaz, la phrase à voix haute qui va bien, rotation, je regarde la montre 8h44. C’est fou le temps qu’on peut perdre avant un décollage.
800 pieds, pompe coupée, volet rentré…petit tour rapide sur les paramètres, 140, N au cap, 3 au vario, bille centrée, alternateur sur M (il m’obsède, lui), plein riche, toujours plein gaz, d’ailleurs je m’agrippe toujours au rebord gauche, le pouce en appui sur cette manette des gaz, des fois qu’elle revienne d’elle-même du fait de la pente de montée. Bref, toujours crispé dans cette phase.
08H47
« ’FoxFoxUniform’ à ‘AlphaNovembre’ pour quitter, à tout à l’heure ». J’aime bien la phraséo, surtout quand ça vient tout seul, qu’on a plus besoin de réfléchir à ce qu’on va dire. Le log, le TRAC (Top chrono, Recalage, Altitude, Carburant), je serai à Manosque dans 14 mn. Je n’ai pas prévu de report avant Manosque ! Je commence à connaître le paysage par cœur, Pertuis sera dans 5mn avec sa boucle d’autoroute, y a vraiment pas de danger que je m’égare. En me disant ça, petite alarme dans ma tête, attention à la facilité, à la fainéantise, à l’excès de confiance. Du coup je reprends mon rapporteur, je serai prêt à mesurer le nombre de graduations vertes au moment où mon passager virtuel me demandera « Où on est, là ? ».
Bon, j’ai pas grand-chose à faire, sinon surveiller mes paramètres, allez, je prépare mes fréquences St Auban et Sisteron sur la radio du haut. Sur la Becker, j’ai voulu mettre Marseille info, à défaut de France info, répondeur automatique, le mec n’a pas commencé sa journée, je réessaierai plus tard, donc en attendant 123.5. Je m’annonce dans le vide, personne n’en a rien à foutre où je suis, puis d’ailleurs y a pas foule.
09H01
Je suis pile où je voulais, c’est beau la précision. Je suis passé entre Manosque et son petit bled au sud (Ste Tulle) en respect des lève-tard, après tout y’en a qui sont encore en vacances. Tant pis pour les baraques isolées, je ne peux pas toutes les éviter. Puis 2500 pieds, c’est raisonnable. Allez, on reset le chrono, on diminue un peu le cap, je regarde mon log : niveau 55 (impair + 5), allez on monte, assiette, régime plein gaz, compensateur pour 150. J’ai bien noté le QNH, 1016, je passe maintenant à 1013. Je vois au loin le Sommet de Lure, je m’en approcherai autant que je pourrai comme me l’a conseillé mon instructeur, pour éviter St Auban.
La Nav est assez tranquille, j’ai passé la ligne Forcalquier-Oraison (y’a un très bon chocolatier là-bas). Je suis bientôt en palier au FL55.
Et non, je n’oublie pas la richesse, mais j’y vais vraiment timidement. L’index bien en butée sur le tableau, je le déplie très…, mais alors très lentement, guettant la variation du régime moteur, ça me prend bien 20 secondes. Hop ça y’est, le bruit du moteur a changé, je repousse d’1 cm (et si c’est 1 cm et demi, c’est pas grave, hein ?).
St Auban est dans quelques minutes, changement de fréquence, personne. Je vérifie de nouveau la fréquence. Non vraiment personne. Je m’annonce en transit par l’ouest, direction Gap au FL 55. Je serre bien à gauche.
09h11
TRAC de nouveau pour bien faire, mais pas vraiment nécessaire, là c’est vraiment du vol à vue. J’avais prévu 10 mn depuis Manosque. Ca correspond parfaitement au log malgré la montée. Faut dire que de si haut, le « travers St Auban » est difficile à évaluer. On a l’impression d’y être pendant plusieurs minutes. J’attends de visualiser St Auban dans mes 4 heures pour m’annoncer en sortie de zone. Entre temps, j’ai commencé ma descente pour être à Sisteron au FL 45. Pendant la descente, une question m’assaille : je fais quoi de ma richesse ? Je veux atteindre le FL45, donc toujours au dessus des 3000’ QNH donc normalement pas de souci. Cependant, j’ai un doute. Allez, je remets plein riche par défaut et aussi pour ne pas l’oublier tout à l’heure, mais faudra que je pose quand même la question à mon instructeur. Le survol de Sisteron (la ville), regret, on ne distingue pas très bien la citadelle. En parlant de Sisteron, hop, changement de fréquence, et on s’annonce, ça devient de la routine. Pas grand monde non plus. Pareil, je passerai à l’ouest. Je me cale sur le relief à gauche. Je regarde la carte, c’est la montagne de Chabre.
09h19
J’estime le ‘travers Sisteron’, et je continue à descendre pour 4000’ QNH, donc au 1016. Je prépare la fréquence de l’ATIS, je ne suis plus très loin de Gap. C’est presque trop facile, je n’ai qu’à suivre la rivière, ça m’y mènera tout droit.
Tiens, c’est curieux, je ne reconnais pas le défilé qui symbolise le report Sierra. J’essaie d’identifier ce relief à ce que j’ai déjà pu voir lors des précédentes nav. Non, ça ne ressemble vraiment à rien de ce que je connais. Tour d’horizon, ha, ça y’est c’est dans mes 2 heures. Je me dis en moi-même "là Christophe, tu déconnes. Si t’avais fait correctement ton TRAC, t’aurais bien vu que ce n’est pas ton cap. Tu t’es contenté de suivre la rivière, avec bien sûr le mauvais embranchement depuis la ville Sisteron. D’ailleurs, le cap, avoue-le, tu ne t’en es jamais vraiment préoccupé, certain de savoir où t’allais. Allez, ressaisis-toi et fais ta nav correctement, t’es pas en croisière ! Tu as passé Sisteron, tu dois annoncer ta sortie de zone, écouter l’ATIS de Gap, rectifier ta trajectoire vers le report Sierra, compenser ton palier à 4000 pieds, et contacter l’AFIS. Allez grouille-toi, il te reste juste assez de temps pour ne plus en perdre…"
Oui des fois j'me parle à moi-même, façon de me botter l'cul pour garder le control en situation de stress.
L’ATIS m’indique que tout est en auto information sur 119.1. OK, je m’annonce en approche de Sierra pour une intégration. L’AFIS me répond (tiens bizarre, j’croyais que c’était en auto-info), il me donne la 21 en service, le QNH à 1018, attention, lâcher de para en cours. OK, merci, je rappelle à S1. Je me dis en moi-même, et qu’est ce que je fais avec le lâcher de paras ? mon avion, il avance, je ne peux pas bloquer le frein à main et attendre. Bon, normalement, je ferai ma vent-arrière à l’est, et eux ils seront à l’ouest. Pas tranquille quand même.
- FoxFoxUniform à Sierra Unité pour intégration vent-arrière de la 21.
Pas de réponse, je continue. Je regarde à nouveau mon petit dessin, le circuit se fait à 2700’. En continuant à descendre, je vérifie quand même que je suis bien en plein riche. Milieu de vent-arrière, je m’annonce, je ‘Fais Ton Métier Pour Vivre Entier, Heureux‘ (c’est ma phrase mémo d’actions vitales en vent arrière), compensé à 130. Le trajet est facile à suivre grâce au relief, la distance de l’aile gauche par rapport à la piste est bonne. Je dois penser à bien tout réduire quand je serai en base car ce n’est pas la finale 33 d’Aix. Et là Fox-MachinTruc s’annonce pour une intégration en base de la 21. Immédiatement, je m’annonce à mon tour en fin de vent-arrière de la 21, il me répond qu’il procède à un 380 de retardement. « OK, merci de FoxFoxUniform », tout en me disant en moi-même, c’est quoi un 380, il a dû vouloir dire un 360. Bon j’ai la piste dans mes 8 heures, maintenant il faut virer à gauche, tout réduire, j’ai l’impression que je vais m’encastrer la montagne, et qu’à tous les coups, c’est elle qui va gagner. Et non, finalement ça passe bien. Même très bien. Tout réduit, plein volet, je remets 1500 tours, et le plan de descente est nickel. Le seuil décalé approche, toujours 110 à l’anémomètre, pas un poil de vent, je vais caresser la piste, je réduis tout, l’arrondi et hop je touche tout en délicatesse, ma femme en serait jalouse…Avec tout ça, pas vu un seul para. Sortie taxiway.
« Gap de FoxFoxUniform, piste dégagée », et Fox-MachinTruc s’annonce en finale de la 21. Direction le parking de la dernière fois, ha non tiens, y’a d’la place en face du resto, tant mieux, je pourrai rejoindre directement le début de la 21 sans avoir à la remonter, tout à l’heure. La place de parking qui m’attendait, un quart de tour à gauche, et on coupe tout (tiens Fox-MachinTruc arrive, c’est pas possible, il a dû sortir à la première bretelle ! On note l’horamètre (tiens, ça fait pile 1 heure), on vérifie que tout est bien éteint, radios, transpondeur, alternateur, batterie, pompe, la clé des magnétos en main, et on enlève le casque. Heureusement j’ai la tringle derrière le siège pour manœuvrer l’appareil…
Sortie du cockpit, quelques filles en terrasse du resto, une sensation de fierté…et oui (je ne ferai pas lire ce débrief à ma femme avant quelque temps). Le petit portillon, hall d’accueil, première à droite, le gars au guichet, la série de questions commence,…nom du pilote ? Re- sensation de fierté…coup de tampon qui bouffe 3 lignes sur le carnet de vol. Un petit détour aux latrines, et c’est reparti, pas le temps de faire rêver les filles à l’étage, elles devront se contenter de Tom Cruise en 16/9ème.
??h ??
Je remonte poser les affaires sur le siège, redescends faire la prévol (mine de rien c’est physique l’avion), tout est OK, huile 5 et demi sur 6 OK elle n’a pas bougé, de toute façon j’en ai pas sur moi. Tiens ça c’est à noter, emporter un petit litre de réserve la prochaine fois au cas où. Je remonte à bord, petite levée de tête, les filles sont toujours là. C’est moi qu’elles regardent comme ça ?
10h00
Ca, c’est un compte rond. On switche tous les boutons, un coup de va et vient des gaz, un coup de démarreur et….rien. Nouveau coup de démarreur et…rien ! Aïe, là c’est sérieux, si le moteur refuse de démarrer, ch’uis dans la merde. On se calme, on explore chaque switch, chaque tirette, c’est bien plein riche, batterie OK, pompe OK, 2 coups de va et vient des gaz, les magnétos... et merde…, suffit pas de mettre la clé, faut aussi la tourner, ça marche mieux ! Bon sang, j’vais en faire une comme ça à chaque nav ? Deux choses sont sûres, la coupure magnéto fonctionne bien et les filles ne pourront pas me reconnaître derrière mes lunettes. Avec tout ça il est 10h01 (tiens, un palindrome). Oups, surtout je n’oublie pas l’alternateur…
Je m’annonce au parking pour le roulage de la 21, et l’AFIS me répond :
- « FoxFoxUniform à votre convenance pour le roulage, bretelle médiane pour la 21 ». Keskim’dit lui ? j’ai pas l’intention de prendre la médiane pour après devoir remonter la piste, je peux directement prendre à droite pour la bretelle qui mène en début de 21, d’après la carte VAC il y a un accès. Je réponds alors avec courtoisie :
- De FoxFoxUniform, pouvez répéter ?.
- FoxFoxUniform, vous prenez à gauche puis encore à gauche pour accéder à la piste.
J’ai comme l’impression qu’en disant ça, il se fiche de moi.
- De FoxFoxUniform, je prends la médiane mais je devrai remonter la piste.
- FoxFoxUniform vous remonterez la piste à votre convenance
- FoxFoxUniform ». Là il commence à m’énerver avec ses ‘convenances’. Car oui, en fait j’ai oublié de poser la question à mon instructeur s’il valait mieux remonter la piste ou pas à Gap. Dans le doute, j’ai décidé que oui, car il commence à faire chaud et que mon instructeur a dit un jour : « deux choses dont on se fout complètement en aviation, c’est la longueur de piste derrière soi, et la hauteur de ciel au dessus de sa tête». Et comme Gap, ce n’est pas Aix, je ne prend pas de risque, je remonte la piste, point final.
Point d’arrêt, essais moteurs, actions vitales, personne en finale, je m’annonce pour remonter la 21. Demi-tour, je m’aligne
- « Gap, de FoxFoxUniform, je décolle de la 21 », la phrase qui va bien, les tours sont bons, j’ai quand même bien fait de la remonter cette piste, pas beaucoup de marge. Je regarde la montre, 10h09, je me répète, c’est fou le temps qu’on peut perdre au décollage. Y’a l’air d’avoir un sacré embouteillage de voitures en bas, les pauvres…
Direction S1, droit devant, ce sera dur d’atteindre les 3300’ à S1, tant mieux si jamais quelqu’un vient en face, on ne sera pas à la même altitude. Pareil pour 4000’ à Sierra, ce sera dur même en montée à 140 km/h.
- Gap, de FoxFoxUniform, à Sierra pour quitter, au-revoir.
- Pouvez quitter foxFoxUniform » me dit le type aux convenances. Deux coups d’alternat.
10h17
Je suis au travers ouest de Sisteron à 4500’, je me suis annoncé, toujours personne sur la fréquence, je fais mon TRAC correctement, cette fois-ci j’ai décidé de faire la nav réglo, pas comme à l’aller. Je ne modifie pas la richesse, je dois redescendre à 3500’ pour St-Auban. Sortie de zone de Sisteron dans le vide. J’ai quelques minutes devant moi avant St-Auban, je prépare la fréquence, je visualise ma trajectoire bien à droite en tenant compte de mon cap. Pas grand-chose à faire sinon vérifier encore et toujours les paramètres, peaufiner au compensateur, le rapporteur sur la carte pour compter la distance en minutes depuis Sisteron et vérif au chrono. Allez, c’est pas que je m’ennuie mais je vais commencer à prévenir St-Auban de mon transit. Tiens y’a quelqu’un sur la fréquence, je le laisse s’exprimer, il a du mal à finir ses phrases. D’après ses intonations il n’a pas l’air tout jeune et pourtant ses « ...heu…je heu…je décolle face au nord » me laissent perplexe. Je m’annonce en provenance de Gap en transit par l’ouest des installations dans 3 minutes à 3500 pieds, direction sud. Plus rien sur la fréquence, seul le bruit du moteur (néanmoins réconfortant) me tient compagnie.
10h23 et 30 secondes
Travers St-Auban, toujours rien sur la fréquence, vérification que c’est la bonne on ne sait jamais, plus de nouvelle de celui qui s’annonçait tout à l’heure au décollage. Je continue, et me prépare à annoncer ma sortie de zone, direction sud. Coup d’œil rapide sur mon log, Manosque sera dans 10 mn, descente progressive à 3000’. Mon cap prévu était de 215° mais comme je passe un peu plus à l’ouest de ce que j’avais prévu, je corrige en me disant qu’un 210° fera très bien l’affaire. TRAC à nouveau, tout est OK, je n’aurais pas cru mais je frise l’ennui. Tout me paraît trop simple, calme, les paramètres sont corrects, je n’ai d’ailleurs que ça à faire de les vérifier. Au fond de moi-même j’ai quand même un peu hâte de rentrer. D’accord le paysage est magnifique, la météo clémente mais bon, je ne peux m’empêcher d’imaginer le pire lorsque justement tout va bien. Et si le moteur s’arrêtait…
Ca y’est, je sais quoi faire : un p’tit coup de 120.55, voir si Marseille info est réveillé. On quitte proprement St Auban et hop, 120.55.
- « Marseille Info de FoxBravoRoméoFoxUniform, bonjour », Ah y’a quelqu’un qui répond…
- « Bonjour Monsieur, De FoxFoxUniform, provenance Gap, destination Aix les Milles, entre St Auban et Manosque, Manosque dans 8 minutes, 3000’ QNH, transpondeur 7000, 1 personne à bord.
- FoxFoxUniform, quel est le type d’appareil ?
- Pardon de FoxFoxUniform, c’est un DR315.
- FoxFoxUniform, mettez transpondeur, Soixante-dix zéro deux
- Je mets transpondeur sept zéro zéro deux, FoxFoxUniform »
Et à nouveau le silence, mais au moins on sait où je suis.
Les minutes s’égrainent, ronronnement monotone du moteur, c’est long quand on n’a personne à qui parler. Et là, comme si une puissance divine lisait mes pensées :
- « FoxFoxUniform, de MarseilleInfo, j’ai un appareil qui ne s’est pas identifié sur votre gauche, à 2 nautiques, cap au 240.
- FoxFoxUniform ». Vite fait, au lieu de regarder sur ma gauche, je regarde mon conservateur de cap, je suis au 205, je regarde où mène le 240 et je remonte virtuellement (visuellement) cette trajectoire. Rien.
- « De FoxofoxUniform, j’arrive à Manosque dans 1 minute, 3000 pieds, pas de visuel sur l’appareil.
- FoxFoxUniform, l’appareil est maintenant dans vos 9 heures, à moins d’1 nautique ». Je tourne immédiatement la tête, et effectivement, il est bien dans mes 9 heures, nous sommes à la même altitude, trajectoire convergente. Bon sang, comment ai-je fait pour ne pas le voir. Je suis à sa droite, et normalement il doit me laisser la priorité, enfin, à condition qu’il m’ait vu, et comme il n’est pas sur la fréquence…Si ça s’trouve, je vais devoir faire la route avec lui jusqu’à Aix. Je me souviens qu’un jour mon instructeur a dit « il vaut mieux céder le passage que d’être mort dans son bon droit » ou quelque chose comme ça…
- « De FoxFoxUniform, visuel sur l’appareil dans mes 9 heures, même altitude, trajectoire convergente, je descends à 2500 pieds, je suis pratiquement à Manosque, je prends un cap 230 ». Tout en disant ça, je ne quitte pas l’appareil des yeux. Tiens, il semble descendre lui aussi, et virer à gauche. Ah, ça y’est j’ai compris, il va se poser à Vinon. Ouf !
10h34
Avec tout ça, je n’ai pas fait mon TRAC dans les règles, j’estime être passé à Manosque à 10h33, je reprends mon chrono, je devrais être à AN à 10h48, soit dans 13 mn. L’altitude est bonne, le carburant OK, le cap OK. Quand je serai à 5 mn avant AN, c'est-à-dire à Pertuis, je commencerai l’écoute de l’ATIS d’Aix. Normalement, j’y serai à 43. Suivons la trajectoire au trait sur la carte, et surtout ouvrons bien les yeux.
- De FoxFoxUniform, je quitte la fréquence pour prévenir Vinon que je transite à l’ouest de leurs installations, je reviens dans 3 minutes
- FoxFoxUniform, vous revenez sur la fréquence dans 3 minutes
- FoxFoxUniform.
Je switche sur Vinon, effectivement y a du monde. J’annonce mon transit 2500 pieds à 5 km à l’ouest, direction Aix les Milles. On laisse s’écouler 2 bonnes minutes, Vinon s’éloigne, « Vinon, de FoxFoxUniform, je quitte la zone direction sud-ouest ».
- MarseilleInfo, de FoxFoxUniform, de retour sur la fréquence.
- FoxFoxUniform, reçu sur la fréquence »
10h43
Super, la fameuse boucle d’autoroute au sud de Pertuis, la Durance, tout y est.
- « De FoxFoxUniform, au sud de Pertuis, je quitte la fréquence pour passer avec Aix, au revoir.
- FoxFoxUniform, quittez la fréquence, au revoir
- Au revoir et encore merci. » Je me dis finalement que c’est vraiment bien de pouvoir bénéficier d’un service d’info et d’alerte comme ça. Ce serait dommage de s’en passer. Reste à savoir si l’autre, ça l’emmerde ou pas, car je lui donne effectivement un peu plus de boulot… Décidément, faudra que je trouve le moyen d’aller visiter une tour de contrôle, voir comment ça se passe à l’autre bout de la radio.
L’Atis annonce la 33 en service, le QNH et info Charlie. J’ai tout ce qu’il me faut, on bascule sur 118.75. Un peu de monde, « Aix de FoxFoxUniform Rebonjour », prise de contact, je m’annonce AN dans 3 minutes pour une intégration avec info Charlie, je devrai faire gaffe, un appareil sera bientôt en sortie à AN.
10h48
AN, pas vu l’appareil en sortie, je m’annonce, je mets le cap au 150 pour trouver le centre commercial. En milieu de vent-arrière, actions vitales, ça bouge un peu, le vent s’est levé, petite difficulté à compenser à 130.
« FoxFoxUniform en vent-arrière pour un complet ». etc…« FoxfoxUniform numéro 2 »…
Le repère de la prison, cap 240, réduit à 1500, plein volets, la piste, la vitesse, la piste, la vitesse, la piste…300 tours de plus.
« FoxFoxUniform en finale ». Il m’annonce un vent calme, bizarre, ça bouge pourtant pas mal, ça doit être du thermique. Allez, celui-là on se le fait en beauté, bien sur le 33, on réduit tout, 110, centré, le sol est tout près, l’arrondi en douceur, et zut, il ne descend plus, je dois être à 30 cm du sol, je redonne la main et arrondi à nouveau, ça y’est les roues ont touché, un baiser, mais encore trop long, pas terrible la précision… Piste dégagée, au parking pour quitter, et on éteint tout. Horamètre, ça fait 57 minutes.
Le plein, puis les pages d’écritures, tableau d’essence, carnet de route, carnet de vol, carnet de l’aéroclub, chèque, livret de progression, ça me fait maintenant 5 heures et demi en solo, et 19 en double commande. Déjà plus de la moitié, il ne reste que 20 bonnes heures…aïe, ça va venir vite et je n’ai pas l’impression d’en être déjà à ce stade de l’apprentissage. A mon avis, 45 heures, ca va faire trop juste.*
Passons maintenant à la phase hara-kiri :
1/ Trop sûr de moi au point d’ignorer mon log et ma tenue de cap après Sisteron, comme quoi, même si on a l’impression de bien connaître les lieux et de savoir où on va "par cheminement", il est très facile et rapide de se perdre. Dorénavant, log, chrono et carte dans toute situation.
2/ Vouloir démarrer un moteur sans tourner la clé des magnétos…no comment. Là je postule pour le titre de Bourricot.**
3/ Oubli d'indiquer le type d'appareil lors d'une prise de contact. Bon d’accord, c’est pas méchant, mais ça prouve que les réflexes ne sont pas encore là.
4/ Le danger ne vient pas forcément de face, penser aussi à regarder sur les côtés, surtout aux abords des aérodromes, pour éviter de se faire surprendre avec un avion dans ses 9 heures.
Christophe, le 19 août 2005
* 4 mois plus tard, j'ai effectivement eu mon PPL en 45 heures tout pile, mais j'étais loin d'imaginer cette possibilité au moment où j'ai rédigé ce débrief.
** le titre Bourricot était à l'époque un clin d'œil au forum GliGli (pour ceux qui connaissent), mais à la 51th on appelle ça "Boulet".